Revue COSSI – Appel à articles n°7/2019 Durabilité et transformation des organisations : paradoxes et perspectives Numéro coordonné par Anne Marchais-Roubelat

Le développement durable engendre de profondes transformations organisationnelles, tant du point de vue de la prise en compte de nouvelles contraintes que de l’émergence de nouvelles parties prenantes. Ces transformations se traduisent par des changements de paradigmes qui remettent en cause les logiques établies, tant en termes de stratégie et d’organisation que de management de l’information et de la communication. Ainsi, les organisations s’engagent désormais dans un monde à la fois imprévisible et durable auquel elles s’adaptent mais qu’elles créent aussi, dans un paradoxe d’auto-engendrement (Barel, 1979). La transformation des organisations se comprend non seulement dans leur adaptation en vue de leur propre pérennité, mais encore dans l’émergence de nouvelles formes et pratiques organisationnelles qui contribuent à anticiper et à forger ce monde (Stevenson, 2006).

La prise en compte du long terme par le développement durable a conduit à ouvrir la sphère économique aux problématiques de la mondialisation et de la fragmentation des territoires, de la multiplicité des parties prenantes et du bien-être social. Ce faisant, la dépersonnalisation engendrée par la diffusion des normes ou l’application des lois entre en contradiction avec la personnalisation des activités que supposent le développement durable et les nombreux domaines d’activité qui lui sont associés, comme par exemple le commerce équitable (Ballet, Carimentrand, 2010), tandis que certaines transformations durables comme celles que promeut le concept de « smart city » peuvent apparaître comme des éléments de fiction (Ghorra-Gobin, 2018).

D’un point de vue organisationnel, s’observe à l’échelle transnationale une diffusion des normes au sens élargi d’objets exerçant une contrainte sur les acteurs, la norme étant alors comprise comme un objet constructiviste qui « traite des relations des hommes entre eux » et qui est « mise en œuvre par des personnes » (Savall, Zardet, Cappelletti, Pigé, 2015). Les normes et les mimétismes (Di Maggio, Powell, 1983) se diffusent à l’échelle internationale, conduisant à unifier les pratiques, à les rendre transparentes et à en rendre compte à des parties prenantes identifiées dans une logique de « bonne gouvernance » (Tonn, Scheb, Fitzgerald, Stiefel, 2012). Toutefois, ces processus peuvent dans le même temps conduire à gérer localement des situations « anormales », voire paradoxales (Brulhart, Grimand, Krohmer, Oiry, Ragaigne, 2018) dans les organisations concernées et qui doivent les gérer à court ainsi qu’à moyen et long terme.

Ce numéro de la revue COSSI propose d’interroger les paradoxes engendrés par la transformation des organisations au sens large (entreprises, institutions, collectivités, communautés, réseaux …) dans une perspective de développement durable, ainsi que leurs enjeux pour l’avenir. Les articles pourront explorer les formes que sont susceptibles de prendre les réponses organisationnelles aux transformations de leur environnement engendrées par le développement durable, ou bien les anticipations des organisations qui influencent cet environnement en transformation, tant dans le contexte général du développement durable que dans des domaines spécifiques comme – par exemple – l’économie circulaire ou le commerce équitable. Les propositions pourront couvrir les différentes disciplines de gestion (management stratégique, marketing, contrôle de gestion, finance, systèmes d’information, gestion des ressources humaines, entrepreneuriat, management international notamment), ainsi que les différents domaines des sciences de l’information et de la communication.

Elles pourront porter plus particulièrement sur les thématiques suivantes :

  • Pense-t-on la durabilité de la même façon dans un contexte nord-américain, européen, africain, asiatique, … voire d’un pays ou d’un territoire à l’autre ? Quelles en sont les conséquences à court terme sur l’application des lois et des normes internationales ? Quelles en sont les conséquences à moyen long terme sur l’évolution de ces lois et de ces normes, ainsi que sur la pérennisation des organisations qui leur sont associées ?
  • Les lois et les normes internationales modifient-elles les organisations et leur rapport au développement durable ? A la responsabilité sociale des entreprises ? Au développement local ? … Quelles en sont les implications prospectives ?
  • Quels paradoxes peut-on mettre en exergue entre la recherche et la diffusion de modèles généraux d’organisation durable et la diversité de leurs conditions d’application, dans l’espace comme dans le temps ? Quelles perspectives d’avenir ces paradoxes ouvrent-ils ? Ces modèles renvoient-ils à des pratiques d’organisation et de gestion ou à des fictions organisationnelles ?
  • Quels paradoxes les lois et les normes associées à la durabilité (dans son aspect temporel et/ou dans ses dimensions écologique et sociétale) engendrent-t-elles pour des organisations et des activités (entreprises, associations, …) ancrées dans des territoires ? A quelles parties prenantes doivent-elles rendre des comptes, comment gèrent-elles l’éventuelle incompatibilité de leurs demandes ?
  • Quels paradoxes les activités fondées sur un mixage des dimensions économique et sociale (ESS, commerce équitable, économie circulaire, …) doivent-elles gérer dans le temps long et quels peuvent être leurs scénarios d’avenir ?
  • Assiste-t-on à l’émergence de communautés associées au développement durable susceptibles de remettre en cause les modèles classiques de consommation, de production, d’échanges et d’organisation ?
  • Comment les organisations durables gèrent-elles l’hybridation d’activités issues de domaines distincts ? Cette hybridation peut-elle être durable ou renvoie-t-elle à des transformations éphémères ?

 

Références bibliographiques

Ballet J., Carimentrand A. (2010), Fair Trade and the Depersonalization of Ethics, Journal of Business Ethics, 92, 317-330.

Barel Y. (1979), Le paradoxe et le système, essai sur le fantastique social, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble.

Brulhart F., Grimand A., Krohmer C., Oiry E., Ragaigne A. (2018), Management des paradoxes. Compétences, performances et outils de gestion, Revue Française de Gestion, 270, 65-69.

Di Maggio P.J., Powell W.W. (1983), The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields, American Sociological Review, 48, 147-160.

Ghorra-Gobin C. (2018), Smart City : “fiction” et innovation stratégique, Quaderni, 96, 5-15.

Savall H., Zardet V., Cappelletti L., Pigé B. (2015), Tétranormalisation : redonner une place centrale à l’homme et à son jugement, in Cretté O., Marchais-Roubelat A. dir., Analyse critique de l’expertise et des normes : théorie et pratique, p.157-161.

Stevenson T. (2006), Organising tomorrow, Futures, 38, 619-625

Tonn B., Scheb J., Fitzgerald M., Stiefel D. (2012), Future of governance workshop summary, Futures, 44, 773–777.


Coordinatrice du numéro

Anne MARCHAIS-ROUBELAT
Maître de conférences HDR
Membre du Lirsa EA-4603
Conservatoire National des Arts et Métiers


Directives

Merci de respecter les normes de rédaction de la revue.
Les propositions rédigées en français prendront la forme d’un résumé (environ 5000 caractères espaces compris) présentant le contexte, la problématique, le plan envisagé et les principaux éléments de bibliographie. Les résumés seront à déposer sur le site NumeRev (vous devez vous connecter/inscrire sur la plateforme avant de pouvoir accéder à l’espace de dépôt).


Calendrier du numéro

Soumission des résumés : 3 juin 2019
Retour aux auteurs : 1er juillet 2019
Envoi des articles complets : 16 septembre 2019
Retour des évaluateurs : 28 octobre 2019
Correction par les auteurs : 25 novembre 2019
Publication : décembre 2019

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