La Plateforme nationale RSE publie son Avis sur les enjeux du reporting de durabilité et sa réglementation
« Entreprise responsable : le déploiement du reporting de durabilité, un des vecteurs de transformation de l’entreprise »
Le RIODD a participé au groupe de travail sur cet Avis par ses représentants (Jean-Pierre Chanteau, Univ. Grenoble Alpes ; Isabelle Daugareilh, CNRS Comptrasec ; Kevin Levillain, Mines ParisTech ; Michelle Van Weeren, Neoma BS).
Cet Avis retrace l’historique de la pratique et de la réglementation, en France et en Europe, des rapports de soutenabilité. Il s’inscrit aussi dans l’actualité de la directive CSRD dont l’application effective pour les « grandes entreprises » à partir des exercices clos le 31 décembre 2024 vient de subir une remise en cause par le gouvernement français (loi DDADUE d’avril 2025) et par la Commission européenne (directives Omnibus, encore en discussion, à l’égard de laquelle la Plateforme RSE a pris au printemps une position critique).
Cet Avis rappelle l’intérêt d’une normalisation des rapports de soutenabilité à l’échelle européenne, pour permettre une meilleure fiabilité et comparabilité de l’information produite par les entreprises et donc une meilleure appropriation par les parties concernées (finance durable, aides publiques à la transition, donneurs d’ordre et acheteurs…). Dans cet esprit, l’Avis soutient aussi l’intérêt du principe de double matérialité , de normes sectorielles ou l’importance de la formation des professionnels concernés par le reporting de soutenabilité (vérificateurs, consultants, salariés dédiés, etc.).
L’Avis défend aussi le principe de proportionnalité de l’effort demandé aux entreprises : ce principe se traduit dans la CSRD par un niveau d’exigences (obligation, contenu, vérification par tiers) qui s’abaisse jusqu’à l’exonération selon la taille des sociétés commerciales (voir le tableau comparatif p.98 de l’Avis). Il s’inquiète donc que la directive Omnibus prévoie d’exonérer les ETI d’une obligation de reporting et peut-être même aussi les PME cotées.
Ce recul de la réglementation engagé par le gouvernement français et par la Commission européenne est dommageable pour les entreprises qui se sont déjà engagées de façon robuste dans le développement durable et dans ce reporting, d’autant plus que ce recul ne peut être justifié par l’argument d’une dégradation de la compétitivité des entreprises européennes (le RIODD a, conjointement avec l’ISJPS, rappelé qu’il n’y a pas de corrélation univoque entre compétitivité et RSE, et la lecture du rapport Draghi montre que celui-ci n’appelle pas à revenir sur la CSRD ni sur la CS3D (devoir de vigilance), ni plus largement sur le Pacte vert).
Le dispositif actuel de la CSRD n’est évidemment pas exempt de défauts. Pour pallier ceux-ci, l’Avis recommande de réviser périodiquement la CSRD, après examen des rapports de durabilité publiés, afin d’en assurer la faisabilité et bien adapter les listes de points de contrôle demandés (normes ESRS) à l’évolution des défis sociaux et environnementaux.
Enfin l’Avis émet des recommandations pour que le rapport de soutenabilité ne soit pas un exercice de conformité réglementaire mais un outil au service d’une stratégie de transition du modèle économique de l’entreprise, et donc d’une évolution de sa gouvernance intégrant mieux les représentants des salariés et des parties prenantes. Dans cette perspective, il signale aussi l’intérêt de la comptabilité intégrée.
On notera que le Medef a exprimé son désaccord (« dissensus ») sur cinq recommandations de l’Avis (sur la robustesse des reportings demandés aux entreprises qui seraient exonérées de reporting suite à la procédure Omnibus ; sur la conditionnalité des aides publiques ; sur l’élaboration de normes sectorielles ; sur la création d’une définition légale de l’entreprise ; sur une ouverture accrue des organes de gouvernance à des administrateurs-salariés).
Dans un contexte politique où sont menacées les incitations réglementaires ou économiques visant à internaliser les défis environnementaux et sociaux dans la conduite des entreprises, le RIODD a donc voté pour l’adoption de cet Avis, malgré sa timidité ou son flou sur un certain nombre de points. Et le quasi-consensus ainsi obtenu sur cette base, y compris avec des organisations du pôle économique (C3D, Coop FR, CPME, ESS France, FIR, ORÉE, ORSE, UNICEM…), est un signal significatif à l’intention des décideurs politiques et économiques.