Le projet du GT-RIODD
Ce Groupe Thématique a pour objet l’organisation d’une transition juste dans et par l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).
L’ESS est abordée comme un ensemble d’organisations diverses fondées sur une finalité sociale ou collective, une activité économique au service de sa finalité et des principes de gestion démocratique. Ces organisations sont fondées le principe de solidarité, et se composent d’associations, coopératives, mutuelles, fondations et sociétés commerciales de l’ESS. Nous incluons également les initiatives informelles (collectifs, mouvements sociaux, réseaux collectifs territoriaux, etc.) s’inscrivant dans les principes de l’ESS. Au-delà de principes et statuts particuliers, nous nous ancrons dans la conception de l’ESS comme une économie substantive fondée sur le travail et le bien vivre (Laville, 2018) ayant au cœur de sa logique d’action une dimension socio-politique.
L’organisation d’une transition juste se réfère aux modalités pour imaginer et mettre en œuvre une alternative au modèle d’économie désencastré du social au cœur de la crise écologique et sociale. Une transition juste doit articuler les dimensions environnementales, économiques, sociales et solidaires de la soutenabilité afin que les initiatives écologiques ne se fassent pas au détriment des populations les plus vulnérables – entre les Nords et les Suds, et au sein de ces contextes. L’ESS peut jouer un rôle majeur dans la transition et suscite les espoirs des chercheur-se-s et des praticien-ne-s (Laville, 2009). Pourtant, l’organisation de la transition juste, soit les stratégies et pratiques au travers desquelles les acteurs pluriels de l’ESS s’engagent dans la transformation, n’a fait l’objet de travaux que récemment (Vercher et al., 2016 ; Eynaud et França Filho, 2019 ; Glémain, 2020 ; Lallemand-Stempak et Eynaud, 2022).
Partant de ces constats, nous portons un groupe thématique ESS au sein de la commuauté RIODD, visant à questionner les liens entre l’ESS et l’organisation d’une transition juste. Nous distinguons deux axes interreliés.
Equipe coordinatrice
- Lucie Cortambert, maîtresse de conférences en sciences de gestion et du management à UCLy, ESDES,
- Caroline Demeyère, professeure en didactique des sciences de gestion à l’UCLouvain, Belgique, et chercheuse associée à la Chaire ESS de l’Université de Reims,
- Stéphanie Havet-Laurent, professeure associée en sciences de gestion et du management, INSEEC Lyon OMNES ; chercheuse associée à l’IAE Lyon Jean Moulin .
- Julien Kleszczowski, maître de conférences en sciences de gestion, Université de Lille, LUMEN en sciences de gestion et du management,
- Adrien Laurent maître de conférences en sciences de gestion et du management à l’Université Paris Dauphine, DRM,
- Jennifer Saniossian, maîtresse de conférences en sciences de gestion et du management à l’Université de Saint Étienne, COACTIS,
AXE 1 – L’organisation d’une transition juste dans l’ESS
Cet axe se réfère aux transformations des organisations de l’ESS pour répondre aux enjeux de la transition. Les acteurs de l’ESS font face à une grande complexité dans la mise en œuvre, la pérennisation et l’extension de leurs initiatives (Michaud, 2014 ; Château-Terrisse, 2012). Ils adoptent des pratiques de gestion pour organiser l’action collective solidaire (Vercher-Chaptal et al., 2016 ; Laville, 2009). Néanmoins, ces dispositifs et logiques sous-jacentes ne sont pas toujours adaptés à la spécificité des organisations de l’ESS (Rousseau, 2007 ; Codello-Guijarro et Béji-Bécheur, 2015). Il existe des tensions importantes entre les aspirations à mobiliser autour d’un projet de soutenabilité forte, les discours sur l’ESS, et des pratiques de gestion des organisations de l’ESS qui reflètent et reproduisent des régimes d’inégalités. À cause de l’influence de l’idéologie managérialiste et par les contraintes imposées par leur environnement institutionnel, beaucoup d’organisations de l’ESS adoptent en effet des pratiques à l’encontre de leur projet politique, par exemple des modèles socio-économiques fondés sur l’exploitation économique des travailleur-se-s bénévoles et salariées (Cottin-Marx, 2019), des femmes et du travail du care (Saussey & Degrave, 2018). Le groupe place au cœur de ses réflexions l’analyse de ces contradictions entre aspirations et pratiques, et des initiatives des acteurs pour les résoudre.
- Exemples de questions qui pourraient être explorées dans cet axe :
- Quelles stratégies et quels modèles socio-économiques pour les organisations de l’ESS ?
- Comment réinventer le travail salarié et bénévole dans l’ESS ?
- Comment lutter contre les inégalités au sein de l’ESS ?
AXE 2 – l’organisation d’une transition juste par l’ESS
Cet axe se réfère aux modalités par lesquelles l’ESS peut devenir un vecteur de transition pour l’ensemble de la société. Il n’est ni réaliste ni souhaitable que l’ESS, comme secteur en marge de l’économie dominante, porte la responsabilité de la conduite de la transition avec un fonctionnement en silo. En effet, la transition nécessite une transformation du paradigme dominant de l’économie et des pratiques de l’ensemble des secteurs. Il s’agit ainsi de comprendre les stratégies de changement portées par l’ESS et leur mise en pratique à l’échelle des territoires, des pays et zones régionales, mais aussi les dynamiques transnationales. Cela inclut notamment la mise en réseau des organisations et initiatives de l’ESS, les modalités d’engagement plurielles des acteurs de l’ESS dans l’action publique, leur contribution aux coopérations intersectorielles sur les territoires ou encore les stratégies de diffusion et de passage à l’échelle des innovations sociales. Là encore, il s’agit d’analyser les tensions qui peuvent résulter de ces dynamiques relationnelles pour mettre en lumière les manières par lesquelles les acteurs les résolvent.
Exemples de questions qui pourraient être explorées dans cet axe :
- Quels rôles pour les têtes de réseau de l’ESS ?
- Quels rôles pour les organisations de l’ESS dans la construction et l’évaluation de l’action publique ?
- Quelles relations interorganisationnelles et quelles mises en réseau au sein de l’ESS et en dehors ?
- Comment penser l’innovation sociale dans la transition ?
- Comment penser l’’ESS par-delà les frontières, dans les mouvements transnationaux ?
Enfin, le groupe thématique vise à accueillir une diversité d’approches théoriques et conceptuelles, notamment critiques (féministes, décoloniales, anarchistes, autogestion, communs, etc.). Nous valorisons les approches méthodologiques innovantes et s’engageant avec les praticien-ne-s (recherche-action/interventions, ethnographie, etc.). Nous accueillons la diversité des terrains empiriques en ESS en termes de statuts, de tailles, d’échelles d’analyse et de contextes géographiques. Pour aborder les différents questionnements, le GT s’inscrit dans une logique interdisciplinaire (sciences de gestion, socio-économie, sociologie des organisations et du travail, mais aussi sciences politiques ou encore géographie). Les travaux sur les enjeux pédagogiques et d’apprentissage associés à notre thème sont les bienvenus. Nous mettons en œuvre dans les actions et les modalités concrètes du GT le principe de solidarité que nous étudions. En particulier, le soutien aux chercheur-se-s en début de carrière, institutionnellement isolé, et/ou dans des situations de précarité est une priorité.
Références
Béji-Bécheur, A., Codello-Guijarro, P. & Pallas, V. (2016). La SCIC : comprendre une configuration de gouvernance multisociétariale. Revue de l’organisation responsable, 11, 24-35
Béji-Bécheur, A., Vidaillet, B., & Hildwein, F. (2021). Organisons l’alternative ! Pratiques de gestion pour une transition écologique et sociale (1ère édition). Éditions EMS.
Château Terrisse, P. (2012). Le dispositif de gestion des organisations hybrides, régulateur de logiques institutionnelles hétérogènes ? Le cas du capital-risque solidaire. Revue management et avenir, (4), 145-167.
Codello-Guijarro, P. & Béji-Bécheur, A. (2015). Les entreprises sociales et solidaires à l’épreuve des outils de gestion. Revue française de gestion, 246, 103-109.
Cottin-Marx, S. (2019). Gouverner par l’accompagnement. Quand l’État professionnalise les associations employeuses. Marché et organisations, (3), 135-151.
Cousineau, M., & Damart, S. (2017). Le management des bénévoles, entre outils et valeurs-Une approche par les paradoxes. Revue française de gestion, 43(262), 19-36.
Eynaud, P., & França Filho, G. C. de F. (2019). Solidarité et organisation : Penser une autre gestion. Erès.
Glémain, P. (2020). La gestion financière des associations face aux marchés. Pour une “autre” réddition comptable. Finance Contrôle Stratégie, (NS-10).
Lallemand-Stempak, N., & Eynaud, P. (2022). Vers une autre gestion (No. hal-03795101).
Laville, J. L. (2018). L’économie sociale et solidaire : pour une sociologie des émergences. Informations sociales, (4), 52-60.
Laville, J.-L. (2019). Réinventer l’association : Contre la société du mépris. Desclée De Brouwer.
Maisonnasse, J., Petrella, F., & Richez-Battesti, N. (2019). Préserver le sens dans les organisations de l’économie sociale et solidaire: quels outils de gestion?. RIMHE: Revue Interdisciplinaire Management, Homme (s) & Entreprise, (1), 3-29.
Michaud, V. (2014). Mediating the paradoxes of organizational governance through numbers. Organization Studies, 35(1), 75-101.
Rousseau, F. (2007). Réapprendre à conter : Genèse d’un entrepreneur social. Gérer et comprendre, 87, 23.
Saussey, M., & Degavre, F. (2018). Les femmes dans l’économie sociale et solidaire : un idéal subordonné au genre ? Cahier du CIRTES, Presses Universitaires de Louvain-la-neuve.
Vercher-Chaptal, C., Eynaud, P., Bernet, J., & Maurel, O. (2016). La gestion des associations. Editions Erès.