Comme toute histoire, celle-ci est précédée d’une préhistoire qui commence en 1999.
Roland Pérez crée un groupe de travail informel, avec l’assistance logistique de Françoise Quairel, qu’il intitule GEPDD (Gouvernance d’entreprise, Performances et Développement durable). Il regroupe une quarantaine de personnes (essentiellement des enseignants-chercheurs en gestion) et se réunit de manière irrégulière, généralement à l’Université Paris-Dauphine. Son objet est d’étudier les effets produits par la montée des thématiques du développement durable sur la façon d’évaluer les performances et la gouvernance des entreprises.
L’acronyme RSE n’a pas encore percé en France, mais, en parallèle, Corinne Gendron qui dirige à l’UQAM, la chaire de responsabilité sociale et de développement durable (RSDD) organise, également de manière informelle, des séminaires franco-québécois de recherche sur la RSE, à Paris et à Montréal, au gré des allers et venues des uns et des autres entre les deux villes.
En septembre 2001, une première université européenne d’été consacrée à la gouvernance d’entreprise se tient à Montpellier à l’initiative de Roland Pérez et du GEPDD. Les membres du GEPDD adhèrent, après sa création en 2002, à une nouvelle association, l’ADERSE, mais la greffe ne prend pas.
Le 9 décembre 2005,
à la suite d’une journée d’étude du 3ème séminaire franco-québécois qui réunit à Créteil les ex-GEPDD et des membres de la chaire RSDD, la quinzaine de participants qui restent le soir même après la fermeture des locaux de l’IAE, décident de créer une nouvelle association, le RIODD. Le DD apparaît plus large que la RSE et les trois premières lettres de l’acronyme sont une référence et un clin d’œil à la conférence internationale de Rio en 1992.
Après sa création, la vie du RIODD va être rythmée en grande partie par ses congrès annuels structurés par des appels à communications qui donnent lieu à des sessions thématiques et par l’organisation de table-rondes auxquelles sont invitées des personnalités hors du champ académique.
Il tient son premier congrès à Créteil en décembre 2006.
Organisé par Michel Capron et une petite équipe d’enseignants-chercheurs de l’IAE Gustave Eiffel, il rassemble déjà une centaine de participants et un invité de marque : David Vogel de l’UC Berkeley. Pourquoi ce premier congrès dans cette banlieue du Val-de-Marne qui avait déjà accueilli le 1er congrès de l’ADERSE ? Parce que, en 2001, s’était créé à l’UPEC (Université Paris-Est Créteil) sous la direction de François Beaujolin, secondé par Françoise Quairel et Michel Capron, le premier diplôme d’enseignement supérieur (DESS) en France consacré à l’audit social et sociétal (en fait, l’audit de la RSE).
En cette même année 2006, Jacques Igalens a créé la ROR (Revue de l’Organisation Responsable) qui va devenir de fait, au fil des ans, la revue du RIODD et en suivra les évolutions tout en restant ouverte à des contributions extérieures.
Pour s’assurer une solide assise scientifique, chacun des congrès suivants s’attachera à s’appuyer sur un centre de recherches reconnu consacrant au moins une partie de ses travaux aux thématiques du RIODD et/ou des formations spécialisées d’enseignement. En outre, l’association s’efforcera de susciter des coopérations entre plusieurs établissements d’une même ville et de faire se rencontrer différentes disciplines.
C’est le cas du second congrès organisé par Roland Pérez à Montpellier en septembre 2007. Il s’efforce de fédérer, sous l’égide de l’Université Montpellier 1 et de SupAgro, les centres de recherche locaux sur le thème « Mondialisation et développement durable : quel rôle pour les organisations ? ». L’invitation de s’y rendre est faite à Gro Harlem Brundtland qui a donné son nom au célèbre rapport « Our common future » (1987). Mais elle ne pourra pas honorer cette invitation pour des raisons de santé. Ce congrès a la particularité d’être précédé d’une Université européenne d’été de plusieurs jours qui réunit une quinzaine de doctorants français et étrangers, dont certains deviendront des piliers du RIODD.
En juin 2008, c’est l’ESDES-UCL de Lyon, avec Christian Le Bas, qui accueille le 3ème congrès avec pour thème : « Responsabilité sociale et environnementale : nouvelles formes organisationnelles ».
Puis en juin 2009, pour la première fois (mais pas la dernière), l’Université de Lille organise le 4ème congrès à Villeneuve d’Ascq, sous la responsabilité de Nicolas Postel et Richard Sobel du CLERSE, un centre de recherches lui-même pluridisciplinaire en sciences sociales. Il traite de la RSE comme nouvelle régulation du capitalisme ; un livre collectif de 416 pages aux Editions Septentrion en sera issu en 2011 .
La même année (2009), le RIODD coorganise un congrès international sur la RSE au Maroc à Agadir, particulièrement orienté sur les problématiques des pays en développement. Il est le résultat d’une alliance entre un établissement privé (l’ISIAM) et l’université publique Ibn Zohr. Par la suite, le RIODD sera co-organisateur de plusieurs colloques sur la RSE ou invité à participer dans plusieurs villes marocaines, en Tunisie, au Liban et en Martinique (Michel Capron, Jacques Igalens, Jean Pasquero, notamment, y représentent le RIODD).
Fort de ces expériences, il se dote d’une charte pour le soutien à des manifestations scientifiques qui édicte des règles précises pour des partenariats.
A partir de 2010, le congrès est précédé d’un séminaire doctoral qui reçoit des jeunes doctorants travaillant sur les thématiques du RIODD.
Sous la responsabilité de Bernard Christophe et Roland Pérez, une Ecole doctorale internationale d’été sur le management des agro-ressources (EDIEMAR) a lieu en juin à l’IAE d’Amiens . Elle est, entre autres, animée par Eduardo Brondizio (E. Brondizio a reçu en février 2025 le prix Tyler, le « prix Nobel de l’environnement »), chercheur auprès d’Elinor Ostrom et recommandée par elle. Le congrès lui-même se tient à l’Université Paris-Dauphine, en même temps que le congrès de l’IFSAM (International Federation of Scholarly Associations of Management), ce qui donne l’opportunité de se mêler à de nombreux universitaires venus du monde entier.
En 2011, le RIODD décide d’afficher sa vocation internationale et son 6ème congrès se tient en juin à Luxembourg auprès de Nicolas Poussing et de l’université naissante, avec le soutien de l’ESDES de Lyon, sur le thème « Entreprise réseau et biens communs ». Le séminaire doctoral animé par Pierre Bardelli a lieu à l’Université de Metz. L’association consolide sa structuration et se dote de règles rigoureuses et démocratiques, notamment le changement de présidence tous les deux ans et la possibilité pour les anciens(ne)s président(e)s de rester aux côtés du conseil d’administration.
Pour sa 7ème édition, le congrès est accueilli en juin 2012 par André Sobczak et l’Ecole Audencia de Nantes, avec le concours de l’Université de Nantes, sur le thème : « Gouvernance publique – gouvernance privée : quels équilibres pour la responsabilité sociale des organisations ?». Il innove en décernant le premier prix de thèse financé par Vigéo et ADECCO et qui devient alors un grand moment de chacun des congrès suivants. Par la suite, c’est Groupama Asset Management qui prendra le relais du financement.
En juin 2013, l’environnement et l’écologie sont à l’honneur puisque le 8ème congrès est jumelé à Lille avec celui de l’European Society for Ecological Econonomics. Avec l’équipe du CLERSE, animée par Nicolas Postel, c’est l’occasion de rencontrer et de mieux connaître un grand nombre d’économistes européens travaillant sur les questions écologiques. Pour la première fois, le thème du congrès articule les problématiques sociales et environnementales au sein des organisations.
C’est en cette même année 2013 que se constitue la Plateforme nationale d’actions globales pour la RSE qui rassemble la plupart des acteurs concernés. Le RIODD est l’un des membres fondateurs et y représente le monde de la recherche. Pierre Bardelli est son premier représentant suivi plus tard par Michel Capron et Jean-Pierre Chanteau qui en deviendront vice-présidents.
La diversification disciplinaire se poursuit en octobre 2014, avec le congrès de Bordeaux (le 9ème), organisé, sous l’égide d’Isabelle Daugareilh, par le Centre de droit comparé et de sécurité sociale (COMPTRASEC) de l’Université Bordeaux IV. Il aborde une thématique particulièrement difficile : les relations entre environnement et travail, un domaine de recherches qui reste toujours à explorer.
En juillet 2015, le RIODD frappe un grand coup
en traversant l’Atlantique pour rejoindre la Chaire de responsabilité sociale et développement durable de l’Université du Québec à Montréal qui organise le 10ème congrès. Toujours animée par Corinne Gendron et Jean Pasquero, c’est, en quelque sorte, un retour à ses origines. Le thème est : « Opérationnaliser le développement durable : public ou privé ? ». La croisière particulièrement conviviale, un soir, sur le Saint-Laurent restera gravée dans toutes les mémoires. La convivialité est, d’ailleurs, devenue une marque des congrès du RIODD qui se perpétuera au fil des ans.
Nouvelle diversification en juillet 2016 et non des moindres, avec l’Ecole des mines de Saint-Etienne et Sandrine Berger-Douce, avec le concours de juristes lyonnais, qui accueillent le 11ème congrès sur le thème : « Energie, environnement et mutations sociales ». Les chercheurs en sciences sociales se frottent à des ingénieurs en sciences de l’environnement et le RIODD commence à prendre conscience qu’il est en train de constituer une communauté épistémique originale.
En octobre 2017 (12ème congrès), retour à l’Université Paris-Dauphine qui est aussi l’un des berceaux du RIODD avec le thème désormais classique : « Quelles responsabilités pour les entreprises ?», mais qui sied bien à cet établissement pluridisciplinaire. Il est organisé par Elise Penalva Icher et l’IRISS0 (centre de recherche en sociologie), Frédérique Déjean (DRM) étant présidente de l’association.
Pour son 13ème congrès, organisé en octobre 2018 à Grenoble par Jean-Pierre Chanteau à la faculté de sciences économiques, le RIODD commence à s’interroger en profondeur sur les enjeux fondamentaux d’avenir de nos sociétés, au-delà des postures et des formulations à la mode : « Pour changer ou pour durer ? Le développement durable en questions ? ».
En septembre 2019, le 14ème congrès gagne la côte atlantique à La Rochelle pour être accueilli par l’ESC (future Excelia) où l’attend toute une équipe autour de Pierre Baret et Dimbi Ramonyi, en lien avec l’IAE de Poitiers. C’est l’occasion d’aborder le sujet, encore peu présent, des territoires : « Développement durable : territoires et innovations ».
Le 15ème congrès devait avoir lieu en 2020 à nouveau à Montpellier, devenu l’une des bases les plus solides du RIODD, mais le COVID est passé par là… et le congrès ne peut s’y tenir. Qu’à cela ne tienne et les collègues montpelliérains derrière Jean-Marie Courrent ne renoncent pas et organisent une rencontre en ligne sur une journée (1er octobre) qui s’empare du sujet d’actualité : « Quelle soutenabilité des modèles économiques et sociaux dans les organisations face à la crise sanitaire du COVID ? ».
En 2021, Jean-Marie Courrent accepte de reprendre le cours normal des évènements et il organise le 16ème congrès en septembre, avec le concours d’un consortium regroupant plusieurs établissements de Montpellier (l’Université de Montpellier et Montpellier Business School, appuyés par le consortium des établissements et organismes tutelles du LabEx Entreprendre : outre l’UM et MBS, l’Institut Agro Montpellier, AgroParisTech, le CEA, le CIRAD). Ce congrès poursuit le travail entamé avec la rencontre précédente : « Entrepreneuriat et développement durable : la « société entrepreneuriale » à l’épreuve de la crise sanitaire ». A cette occasion, Jean-Marie Courrent présente la mascotte du RIODD, ce fameux hérisson taillé dans le rapport Brundtland et qui se transmet désormais d’année en année d’un organisateur de congrès à un autre.
Les communs sont mis en valeur par le 17ème congrès qui se réunit en novembre 2022 sous l’égide de Corinne Vercher-Chaptal et du CEPN de Sorbonne-Paris Nord dans les locaux tout neufs du Campus Condorcet à Aubervilliers « : « Communs, communautés, territoires : quelles voies pour les transitions ».
A nouveau à Lille avec Nicolas Postel et le Clersé, le 18ème congrès bat, en octobre 2023, tous les records d’affluence avec près de 400 participants autour de la question percutante : « Changer ou s’effondrer ? Penser les questions de transitions écologiques ».
La sociologie, discipline émergente au sein du RIODD, est mise en avant avec l’élection, à la présidence de l’association, de Michèle Dupré du Centre Max Weber de Lyon.
Toujours attaché à sa vocation internationale, le RIODD manifeste cet attachement avec son 19ème congrès, organisé en septembre 2024 à Bruxelles par Christel Dumas de l’ICHEC avec le concours de l’Université Libre de Bruxelles. Il se consacre à « imaginer, expérimenter et pérenniser la soutenabilité forte ».
Enfin, la 20ème édition se tiendra à Toulouse en octobre 2025 grâce à un consortium réunissant, dans un même élan pluridisciplinaire, ses trois universités et un grand nombre d’établissements de recherche de la région, réunis sous la houlette de Pierre-Benoît Joly (INRAE)) et Assaad El Akremi (Toulouse Capitole). Le RIODD réalise ainsi pleinement son ambition de faire travailler ensemble plusieurs disciplines et plusieurs établissements d’un même espace géographique.
Au cours de ces 20 années
on peut estimer que ce sont environ plus de 1500 communications académiques qui ont été présentées pendant les congrès du RIODD et que près de 200 table-rondes se sont tenues avec des acteurs du monde économique, de la société civile et des pouvoirs publics.
Les membres du RIODD ont publié nombre d’ouvrages , dont certains dans la collection « capitalismes – éthique – institutions » des éditions Septentrion qui coopèrent étroitement avec le RIODD. On ne peut dénombrer le nombre d’articles publiés dans les revues académiques provenant de leurs travaux et qui se compte par centaines, notamment dans les revues partenaires : « Entreprise et société », la Revue française de socio-économie, la Revue de la régulation. De son côté, la ROR a édité deux numéros par an de 2006 à 2019, puis 3 numéros de 2020 à 2023, et 4 numéros à partir de 2024. Cela représente 199 articles académiques publiés et révisés selon les strictes normes en vigueur, 10 recensions et 4 grands entretiens. La revue est classée dans les différents outils de classement scientifique et est indexée Scopus.
Le rayonnement du RIODD et de ses chercheurs n’est plus à démontrer. Il est dû essentiellement au fait qu’il est composé de femmes et d’hommes qui ont des convictions et qui s’engagent, dans leurs travaux, avec l’idée de contribuer fermement à un monde meilleur, pour la justice sociale et environnementale et pour la préservation du vivant.