La frustration salariale. A quoi servent les primes ?

Elise Penalva-Icher

aux éditions Sorbonne Université Presses

Depuis une trentaine d’années, à mesure que les collectifs de travail issus des Trente Glorieuses ont été affaiblis, des éléments de plus en plus variés – et surtout variables (primes individuelles de performance, plan épargne retraite, intéressement ou participation, etc.) – se sont adjoints au salaire.

De ce fait, les points de repère pour apprécier sa rémunération se sont peu à peu effacés. Cette hybridation récente brouille les perceptions individuelle et collective des rémunérations, dont les usages sont finalement plus complexes qu’il n’y paraît. Certes, elles rétribuent le travail, et leur montant peut à ce titre être source d’insatisfaction et de frustration, d’autant que les primes qui sont inégalement réparties dans la société accentuent parfois les écarts salariaux, par exemple entre les femmes et les hommes. Mais les salaires ont aussi
pour fonction d’attirer, de fidéliser, de contrôler, voire de punir.

Devant la diversité de ces usages, les salariés un peu confus sont en demande d’une plus grande transparence. Et dans ce contexte troublé, c’est bien souvent autour de la machine à café ou de la photocopieuse qu’ils comparent leurs fiches de paie et s’en font une opinion.

Une enquête mixte qualitative et quantitative montre ici que ces discussions entre collègues entraînent des effets de pairs et peuvent, à leur tour, renforcer la frustration salariale.

Élise Penalva-Icher est professeure des universités en sociologie à l’université Paris Dauphine-PSL et chercheuse à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso), centre spécialisé dans les articulations et transformations des régulations publiques et privées du capitalisme. Dans ce cadre, ses travaux interrogent depuis 15 ans l’investissement responsable et la responsabilité sociale des entreprises (RSE).