Appel à contributions – colloque ISERAM « Réinventer le travail : une révolution en marche – Vers la rupture entre emploi et travail ? » – mercredi 7 avril

Réinventer le travail : une révolution en marche
Vers la rupture entre emploi et travail ?

« L’emploi est mort, vive le travail ! »… C’est par ce titre un peu provocateur du récent essai de Bernard Stiegler que pourrait s’ouvrir une réflexion sur l’avenir du travail. Après les Trente Glorieuses qui favorisent le plein-emploi et le développement irrésistible du salariat parmi ceux et celles qui entrent sur le marché du travail, les Trente Piteuses viennent remettre en cause le fameux compromis fordiste en laissant s’installer un chômage structurel de masse et des formes d’ajustement du travail en rupture avec le contrat salarial de la période précédente. Entretemps, les sociétés occidentales se trouvent confrontées à des changements technologiques et économiques majeurs qui transforment radicalement les conditions de production et les méthodes de management. La restructuration des chaînes de valeur qui conjugue externalisation et internationalisation, l’expansion de l’économie des services et du savoir et l’automatisation croissante de l’activité conduisent les entreprises à rechercher une plus grande flexibilité du travail et une gestion différenciée de la ressource humaine.
Si nous ne pouvons pas parler encore de divorce entre emploi et travail régulés, comme le montrent les statistiques sur l’emploi salarié en France, la corrélation entre les deux n’est plus évidente et des formes de substitution au salariat apparaissent dans un nombre croissant de secteurs. En témoigne la coexistence de plusieurs statuts associés à une même activité et souvent sur un même site, dans l’industrie et les services, dans le secteur privé mais également dans le secteur public : salariés avec des contrats de nature différente, mais aussi travailleurs indépendants, intérimaires, personnels en régie, travail détaché, travail à façon, etc. Certains secteurs, comme les secteurs culturel et créatif et les médias, en font même une règle de fonctionnement, avec la généralisation du statut d’intermittent.
Mais le phénomène déterminant est constitué évidemment par les bouleversements de l’organisation du travail que la diffusion extrêmement rapide des applications de la révolution numérique fait subir à l’ensemble des activités économiques. Ces changements concernent tant les activités fondées uniquement sur le numérique que celles liées aux secteurs traditionnels de l’industrie et des services financiers et non financiers. Les effets sur le travail apparaissent particulièrement notables dans les activités où les plateformes numériques peuvent assurer des fonctions d’intermédiation et favoriser l’entrée de nouvelles catégories d’acteurs qui s’affirment alors comme des concurrents potentiels pour les professions installées. C’est parce que l’usage et le partage l’emportent sur la propriété du bien ou du service que des plateformes comme Uber ou Airbnb parviennent à remplacer les intermédiaires classiques et assurer une véritable substitution des statuts de travail entre amateurs et professionnels dans les transports, l’hébergement, le commerce de détail, les services financiers, etc. Les relations de marché et hors-marché finissent par se confondre, entre économie du partage, économie collaborative et économie circulaire.
Bien entendu, les conséquences de la révolution numérique sur la nature du travail et sur les transformations de son cadre contractuel ne s’arrêtent pas aux fonctions de médiation. Deux autres dimensions au moins méritent d’être soulignées.

D’une part, l’économie numérique est à l’origine de nombreuses innovations radicales, articulant savoirs-faire localisés, innovation ouverte et nouveaux usages. Les startups, les incubateurs, les fablabs et autres milieux innovateurs (à l’instar des clusters) font émerger des relations de travail marquées par la prééminence de l’entrepreneuriat et des partenariats. La prise de risque individuelle et la participation deviennent ici la règle, le salariat l’exception.
D’autre part, l’innovation ouverte, la numérisation des usages et le développement des réseaux sociaux s’accompagnent d’une participation substantielle de contributeurs, allant du partage des données jusqu’aux développements d’applications et aux tests de logiciels dans l’univers des grandes entreprises de l’Internet. Là encore, la valorisation des données des contributeurs et la démarcation entre usage et production de valeur, désignée sous le terme de digital labor, laissent indéterminé le statut du travail, même si un certain nombre de plateformes numériques, dont celles orientées vers le crowdsourcing comme Innocentive, ou bien le Mechanical Turk d’Amazon, proposent désormais des rémunérations indépendamment de toute contractualisation précise. Du point de vue du travail, la révolution digitale constitue dans cette veine une transition vers des formes hybrides complexes, du statut individuel de l’entrepreneur ou du producteur de services alternatifs jusqu’à la multitude de contributeurs insérés dans les dynamiques marchandes et non-marchandes de l’économie numérique.

Après avoir organisé les années passées des colloques et des journées d’études sur les nouvelles alliances industrielles, sur l’innovation ouverte et sur l’organisation des grandes entreprises de l’Internet, l’ISEG-ISERAM voudrait proposer en 2016 une réflexion sur les multiples facettes de la transformation du travail et sur les questionnements et pratiques en cours, sans oublier les démarches proactives et les dynamiques de rupture mises en oeuvre par les organisations. Les interrogations sont multiples, comme le montrent les mutations induites par la révolution numérique. La prise en compte de ces différentes problématiques conduit à mettre l’accent sur les nouvelles formes d’organisation du travail, sur le débat relatif au contrat de travail, sur la question renouvelée de la gestion des ressources humaines, sur les innovations impliquant des situations de rupture, ou encore, sur l’articulation entre la culture d’entreprise et la culture du réseau propre à l’économie numérique.

Le colloque se déroulera le 7 avril 2016 à la Maison de l’Europe à Paris.
Les intentions de communication pourront s’articuler autour des thèmes suivants :
– « L’emploi est mort, vive le travail ! » : les conditions du divorce, les voies possibles de la (ré) conciliation ?
– Du contrat unique aux contrats multiples : que devient la relation de travail dans l’économie du 21e siècle ?
– Entre usages, économie du partage et économie collaborative, quel est le statut du travail dans les services d’intermédiation de l’économie numérique ?
– Économie numérique et activités émergentes : Amazon, Innocentive et les autres… le digital labor est-il une condition durable et économiquement viable du travail ?
– Les entrepreneurs et les innovateurs, un rôle de plus en plus marquant dans l’économie du travail ?
– La fin du contrat de travail ? Les conséquences juridiques, économiques et sociales.
– Le DRH doit-il être angoissé par une ressource humaine dérégulée ? La fonction au-delà du code du travail ? Un rôle stratège ?
– L’intermittence est-elle un modèle susceptible d’être dupliqué ? Un modèle de plus en plus prégnant fondé sur la liberté et la responsabilité ?

Pour le détail de l’appel à contributions : Colloque Travail Appel à contributions

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